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mercredi 4 mai 2016

La bohème



Beaucoup sont surpris quand ils apprennent que les paroles de La bohème n’ont pas été écrites par Aznavour, tellement cette écriture lui ressemble et semble autobiographique. 
Le texte est signé Jacques Plante (Paris 1920 / Paris juillet 2003). L'homme a écrit des textes pour Aznavour : Les comédiens, For me formidable, et pour d’autres Les grands boulevards, Étoile des neiges, Santiano, Dès que le printemps revient, J’entends siffler le train, Un Mexicain, Chariot, Vieille canaille.
La chanson est interprétée d’abord par George Guétary dans Monsieur Carnaval, opérette en 2 actes et 22 tableaux créée au théâtre du Châtelet en 1965, livret de Frédéric Dard (le père de San Antonio), textes de Jacques Plante, musique de Charles Aznavour.
Le personnage principal décrit à la première personne sa vie de jeune artiste avec des mots simples, sans métaphore : Devant mon chevalet, Groupés autour du poêle, Devant un café crème, En haut d’un escalier. 
La rime est solide, précise, à peine forcée au début du deuxième couplet : voisins / quelques-uns. Les vers des couplets sont de 6 syllabes, ceux du refrain de 8 syllabes. Le titre est martelé 16 fois. 4 fois par refrain dont le texte n’est pas toujours le même (ce qui est fortement déconseillé aux débutants). 
1 / Ça voulait dire on est heureux / Nous ne mangions qu’un jour sur deux.
2 / Ça voulait dire tu es jolie / Et nous avions tous du génie. Etc.

La bohème
1966 Jacques Plante (Editions Musicales Djanik)

Je vous parle d’un temps / Que les moins de vingt ans / Ne peuvent pas connaître / Montmartre en ce temps-là / Accrochait ses lilas / Jusque sous nos fenêtres / Et si l’humble garni / Qui nous servait de nid / Ne payait pas de mine / C’est là qu’on s’est connu / Moi qui criait famine / Et toi qui posais nue
La bohème, la bohème / Ça voulait dire on est heureux / La bohème, la bohème / Nous ne mangions qu’un jour sur deux

Dans les cafés voisins / Nous étions quelques-uns / Qui attendions la gloire / Et bien que miséreux
Avec le ventre creux / Nous ne cessions d’y croire / Et quand quelque bistro / Contre un bon repas chaud / Nous prenait une toile / Nous récitions des vers / Groupés autour du poêle / En oubliant l’hiver
La bohème, la bohème / Ça voulait dire tu es jolie / La bohème, la bohème / Et nous avions tous du génie

Souvent il m’arrivait / Devant mon chevalet / De passer des nuits blanches / Retouchant le dessin
De la ligne d’un sein / Du galbe d’une hanche / Et ce n’est qu’au matin / Qu’on s’asseyait enfin / Devant un café crème / Epuisés mais ravis / Fallait-il que l’on s’aime / Et qu’on aime la vie
La bohème, la bohème / Ça voulait dire on a vingt ans / La bohème, la bohème / Et nous vivions de l’air du temps 

Quand au hasard des jours / Je m’en vais faire un tour / A mon ancienne adresse / Je ne reconnais plus : Ni les murs, ni les rues / Qui ont vu ma jeunesse : En haut d’un escalier : Je cherche l’atelier
Dont plus rien ne subsiste : Dans son nouveau décor : Montmartre semble triste : Et les lilas sont morts 
La bohème, la bohème / On était jeunes, on était fous : La bohème, la bohème / Ça ne veut plus rien dire du tout

Charles Aznavour (Paris 22 mai 1924)
Shahnourh Varinag Aznavourian naît à St-Germain des Près alors que ses parents attendent un visa pour les Etats-Unis. Il grandit parmi les artistes qui fréquentent le restaurant paternel de la rue de la Huchette et à neuf ans entre à l’école du Spectacle.

Sa carrière démarre avec le duo Roche et Aznavour quand en 1946, il est remarqué par Édith Piaf. Il compose pour elle (Jezebel), pour Mistinguett, Patachou, Juliette Gréco (Je hais les dimanches), mais il devra attendre le 12 décembre 1960 pour connaître la consécration à l’Alhambra. Lui qui aime le bon vin et les Rolls, lui, l’enroué vers l’or à qui un critique parisien a écrit Vous feriez mieux de faire de la comptabilité, vous pourriez chanter en comptant, mais ne comptez pas chanter, a composé plus de mille chansons, vendu plus de cent millions de disques dans le monde, chanté dans cinq langues, joué dans plus de soixante films au cours de plus de soixante ans de carrière, dont en 1960 Tirez sur le pianiste de François Truffaut). Ambassadeur d’Arménie en Suisse, représentant permanent auprès de l’ONU, propriétaire depuis 1995 des éditions musicales Raoul Breton, Charles Aznavour est aujourd’hui le chanteur français le plus connu à travers le monde.

mardi 3 mai 2016

La javanaise



Serge Gainsbourg est venu me voir, nous avons dîné ensemble et le surlendemain, il m’apportait «La Javanaise». Juliette Gréco. Nous sommes en été 1962, à l’époque Gainsbourg se bat pour gagner sa vie mais son succès ne dépasse pas un petit cercle de branchés. Le 5 janvier 1963 il enregistre à Londres quatre titres, parmi lesquels La javanaise. Pas de succès à la sortie du titre en 1963, ni pour Greco ni pour Gainsbourg. Aujourd’hui elle est la chanson de Gainsbourg qui rapporte le plus de droits d’auteur.

Sur un tempo de valse, le personnage principal s’adresse à un ancien amour, évoque leur histoire symbolisée par une danse, la javanaise. Tout est élégant : le vouvoiement, les expressions : Ne vous déplaise / de vous a moi. Les allitérations en V des couplets, exemplaires : AVant d’aVoir eu Vent de Vous. (Dans le javanais, l’argot des voyous, on répète les J, V, N). Le titre pourrait être un hommage à Boris Vian, que Gainsbourg adore, qui a écrit la Java javanaise.
Pas encore de références anglo-saxonnes dans les paroles, ni de voix plus parlée que chantée, façon Gainsbarre.
Les rimes sont impeccables, précises, strictes, classiques. Les e sont accentués à la rime : Ne vous déplai-SE. La métrique irrégulière montre que les paroles ont été écrites après la musique : Couplet 8 + 3 + 8 + 3 syllabes. Refrain 5 + 8 + 4 + 6 syllabes. Le titre est cité quatre fois (une fois par refrain). La chanson est courte, 2mn26, mais le texte laisse toute sa place à la suggestion.
1962 Serge Gainsbourg (Ed. Warner Chapell)
J’avoue j’en ai bavé pas vous mon amour / Avant d’avoir eu vent de vous mon amour / Ne vous déplaise / En dansant la Javanaise / Nous nous aimions / Le temps d’une chanson

À votre avis qu’avons-nous vu de l’amour ? / De vous à moi vous m’avez eu mon amour / Ne vous déplaise / En dansant la Javanaise / Nous nous aimions / Le temps d’une chanson

Hélas avril en vain me voue à l’amour / J’avais envie de voir en vous cet amour / Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise / Nous nous aimions / Le temps d’une chanson

La vie ne vaut d’être vécue sans amour / Mais c’est vous qui l’avez voulu mon amour / Ne vous déplaise / En dansant la Javanaise / Nous nous aimions / Le temps d’une chanson

Serge Gainsbourg (Paris 2 avril 1928 - Paris 2 mars 1991)
Il semblerait que les chanteurs n’aiment pas le prénom Lucien. Le vrai nom de Serge Gainsbourg est Lucien Ginzburg et Lucien est aussi le vrai prénom de Laurent Voulzy. Lucien donc, a souffert d’avoir été un enfant juif pendant la guerre, souffert aussi de se trouver laid. Fils de musicien (comme Nougaro et Piaf, fils de chanteur, de chanteuse), son père lui a enseigné le métier de pianiste de bar. Musique classique, jazz, chanson, Gainsbourg sait tout jouer.
Les débuts sont difficiles. Même La Ballade de Melody Nelson, aujourd’hui disque culte, se vend peu et Gainsbourg arrête la scène en février 1965, lassé de l’indifférence du public. Son absence des planches durera 14 ans !
Il reprend confiance avec le succès qui vient peu à peu. D’abord celui des artistes qui l’interprètent, telle France Gall qui gagne l’Eurovision en 65 avec Poupée de cire poupée de son.
Persuadé qu’il ne peut pas se permettre de laisser indifférent, le chanteur, réalisateur, mais aussi photographe, peintre, écrivain, aura usé de nombreuses provocations, plus ou moins féroces. Depuis le slogan de l’affiche de son spectacle au Casino de Paris : 140 francs devant, 110 francs derrière, à la crémation en direct à la télé d’un billet de 500 F ou aux insultes à Catherine Ringer, à Guy Béart… il alterne agressivité et paroles attendrissantes. De toutes façons, moi, j’ai pas d’idées, j’ai des associations de mots, comme les surréalistes. Une carence d’idées qui cache un vide absolu, un sous vide, c’est vrai !
Véritable usine à tubes, Gainsbourg écrit environ 650 paroles de chansons et presque autant de preuves qu’il est possible de concilier art et argent, passion et commerce.
Chacun de ses textes dégage une vraie musicalité et peut être lu seul. D’une grande culture artistique, l’homme ne se contente pas d’utiliser une technique impeccable, il déteste avoir la sensation de se répéter. Il risque, invente des mots (L’anamour), des sons, des formules, réussit des métissages musicaux avec le jazz, funk, reggae, afro-cubain, rap et meurt avant l’enregistrement prévu d’un nouvel album à La Nouvelle-Orléans avec les Neville Brothers.
Le 2 mars 199, il oublie (?) sa pilule pour le coeur, comme l’avait fait son idole Boris Vian le 23 Juin 1959.



lundi 2 mai 2016

La mer



J’ai écrit La mer à seize ans sous la forme d’un poème en alexandrins. Je l’ai retrouvée quelques années plus tard alors que j’étais devenu chansonnier. Un jour, entre Sète et Montpellier, dans le train, la musique m’est venue d’un seul coup. N’ayant pas de papier sur moi pour écrire, nous sommes allés chercher du papier toilette dans les WC du wagon ; par miracle, il y en avait.
Cette mélodie révélée à Trenet a "des airs" de  "Blue moon", énorme succès de l'époque. La musique est cosignée par Léo Chaulais, son secrétaire et pianiste qui juge ensuite la chanson trop solennelle et rococo. La vedette Suzy Solidor à qui il la propose la refuse, en disant : Des chansons sur la mer, on m’en envoie dix par jour
Fin 1945, Roland Gerbeau l’enregistre avec Renée Lebas. C'est sur l’insistance de son éditeur Raoul Breton, que Trenet finit par la sortir en 1946 et remporte alors un énorme succès. Sous la plume de Jack Lawrence La mer devient Beyond the sea, un classique du jazz, un standard. Longtemps générique de la télévision japonaise, la chanson connaît plus de quatre mille enregistrements à travers le monde.
Le texte de La mer est typiquement « Trenet ». Des mots doux, positifs, un lyrisme aérien où la bergère d’azur… confond ses blancs moutons / Avec les anges si purs. La simplicité, la clarté
guident déjà la plume du jeune auteur. Les paroles, courtes, sont reprises deux fois en entier. La mer est humanisée : La mer A bercé mon coeur pour la vie, et certains voient une connotation maternelle dans l’homonymie des mots mer et mère. 
La rime est précise sauf pour amour / coeur. Le titre apparaît 12 fois. Les 3 premiers vers des couplets sont réguliers, 6 syllabes, mais l’irrégularité des vers suivants semble avoir été dictée par la mélodie. La structure est de type «jazz». 

La mer
1945 Charles Trenet (Ed. Raoul Breton)
La mer / Qu’on voit danser le long des golfes clairs / A des reflets d’argent / La mer / Des reflets changeants / Sous la pluie
La mer / Au ciel d’été confond / Ses blancs moutons / Avec les anges si purs / La mer bergère d’azur / Infinie
Voyez / Près des étangs / Ces grands roseaux mouillés / Voyez / Ces oiseaux blancs / Et ces maisons rouillées
La mer / Les a bercés / Le long des golfes clairs §/ Et d’une chanson d’amour
La mer / A bercé mon coeur pour la vie.

Charles Trenet (Narbonne 18 mai 1913 - Créteil lundi 19 février 2001)
A 15 ans, Trenet le Narbonnais découvre son idole Gershwin à Berlin où il est parti habiter avec sa mère et son compagnon. La langue allemande lui est utile pendant l’occupation à Paris où les occupants sont nombreux dans le public. Mal vu à la fin de la guerre, Trenet est blanchi par la commission d’épuration mais les suspicions de collaboration persistent, il s’exile aux Etats-Unis où il triomphe mais est emprisonné pour homosexualité à Ellis Island aux Etats-Unis pendant 26 jours en 1948, époque du maccarthysme, avant de rentrer en 1954. Il fait également 28 jours de détention à Aix-en- Provence pendant l'été 1963 pour des attentats aux moeurs sur mineurs (âgés de 20 ans, à l’époque la majorité est à 21 ans) inculpation pour laquelle il obtient un non-lieu en appel. 
Je ne suis pas gai je suis joyeux. L’homme ne fera jamais son coming out mais il aime décocher quelques jeux de mots cachés comme Je t’attendrai à la porte du garage, pour je tâte André à la porte du garage.

Je fais des chansons comme un pommier fait des pommes disait le Roi Soleil de la chanson ainsi nommé par Henri Salvador, nommé passeur de rêve par Serge Gainsbourg. Il est l’idole
de Brassens, Aznavour, Higelin, Polnareff, Biolay, bref, de tout le bottin de la musique française.
Avant lui, très rares étaient les auteurs compositeurs interprètes. Depuis lui on a tendance à penser que l’interprète qui n’écrit pas ses textes en est moins intéressant.

Derrière l’étonnante unité des tonalités gaies et entraînantes de son oeuvre emplie d’énergie et de bonne humeur, l’on peut déceler ici et là chez le fou chantant des thèmes plus sombres. Je
chante raconte le suicide par pendaison d’un vagabond (Ficelle, tu m’as sauvé de la vie). Les penchants pour la nostalgie de l’homme aux boucles blondes et chapeau blanc qui collectionne
les voitures de sport ont donné des chefs d’oeuvre tels que Que reste t il de nos amour, devenu lui aussi classique du jazz (I wish you love) et utilisé par François Truffaut dans Baisers volés.
Charles Trenet a eu la tristesse de voir échouer sa candidature à l’Académie Française. Son ultime tour de chant a lieu à la salle Pleyel, en Novembre 1999. Il meurt en 2001 d’une seconde attaque
cérébrale laissant plus de 1000 chansons écrites durant 66 ans d’activité. 

dimanche 1 mai 2016

Les copains d’abord



La chanson Les copains d’abord naît d’une commande d’Yves Robert - ami de Brassens - pour le générique de son film Les Copains. 
Pour Brassens chaque chanson est une lettre à un ami, et ceux-ci, qui l’appellent « le gros », sont les mêmes depuis toujours. Il les retrouve régulièrement chez lui au moulin de La Bonde, à Crespières dans les Yvelines, ou à bord de son bateau (appelé Les copains d’abord) lors de sorties sur l’étang de Thau, ou de cabotages.
La chanson connaît un succès immédiat. Pourtant l’histoire de ces amis qui traversent la vie, tous embarqués sur le même bateau a un style imagé mais très classique, presque vieillot et très savant…Les phrases en latin Fluctuat nec mergitur, credo, confiteor, les références à la peinture de Géricault : Le radeau de la méduse, à la littérature : Montaigne et La Boétie, à la mythologie :Castor & Pollux, à la Bible : Jean, Pierre, Paul et compagnie (sans doute aussi ses proches Jean Bertola, Pierre Onténiente et Paul For), Sodome & Gomorrhe, L’Évangile, relient la chanson au monde de la poésie classique. 
Cette sophistication n’empêche pas ces images de faire mouche, tout autant que les tournures qui utilisent le langage populaire, C’étaient pas des anges… ils l’avaient pas lu, ou l’argot comme la mare des canards, ( la mer ou l'étang ). 
Avec Quand l’un d’entre eux manquait à bord / C’est qu’il était mort, Brassens semble rendre hommage à Marcel Pagnol et la réplique de César : si M. Brun n'a pas vu Landolfi à Paris : alors il est mort

3 vers de huit syllabes et un de 5 se succèdent avec une grande régularité sur une rime scrupuleuse. 
La structure est AAAA, 7 couplets, simple répétition de la même mélodie. 
On a souvent entendu dire que toutes les chansons de Brassens se ressemblent. Rien n’est plus faux. C’est l’accompagnement guitare voix, sobre, uniforme, qui leur confère cette couleur intemporelle qui est sa marque de fabrique, mais qui peut sembler monotone. En réalité, les mélodies du sétois sont riches et très prisées par les fanfares, à l’instar des copains d’abord, dont l’orchestration est plus étoffée ici que d’habitude chez Brassens. La mélodie joyeuse, originale, joue un rôle majeur dans le succès de cette grande chanson qui après deux séances d’enregistrement et 10 prises de voix a été accélérée au mixage.

Les copains d’abord
1964 George Brassens(Editions Musicales 57)
Non, ce n’était pas le radeau / De la Méduse, ce bateau / Qu’on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports / Il naviguait en père peinard / Sur la grand mare des canards / Et s’app’lait les Copains d’abord / Les Copains d’abord

Ses fluctuat nec mergitur / C’était pas d’ la littérature / N’en déplaise aux jeteurs de sort / Aux jeteurs de sort / Son capitaine et ses mat’lots / N’étaient pas des enfants d’ salauds / Mais des amis franco de port / Des copains d’abord

C’étaient pas des amis de luxe / Des petits Castor et Pollux / Des gens de Sodome et Gomorrhe
Sodome et Gomorrhe / C’étaient pas des amis choisis / Par Montaigne et La Boétie / Sur le ventre ils se tapaient fort  / Les copains d’abord

C’étaient pas des anges non plus / L’Évangile, ils l’avaient pas lu / Mais ils s’aimaient toutes voiles dehors / Toutes voiles dehors / Jean, Pierre, Paul et compagnie / C’était leur seule litanie / Leur credo, leur confiteor / Aux copains d’abord

Au moindre coup de Trafalgar / C’est l’amitié qui prenait l’ quart / C’est elle qui leur montrait le nord / Leur montrait le nord / Et quand ils étaient en détresse / Qu’ leurs bras lançaient des S.O.S. / On aurait dit des sémaphores / Les copains d’abord

Au rendez-vous des bons copains / Y avait pas souvent de lapins / Quand l’un d’entre eux manquait à bord / C’est qu’il était mort / Oui, mais jamais, au grand jamais / Son trou dans l’eau n’ se refermait / Cent ans après, coquin de sort / Il manquait encore

Des bateaux j’en ai pris beaucoup / Mais le seul qui ait tenu le coup / Qui n’ait jamais viré de bord
Mais viré de bord / Naviguait en père peinard / Sur la grand mare des canards / Et s’app’lait les Copains d’abord / Les Copains d’abord

George Brassens (Sète 22 octobre 1921 - Saint Gely du Fesc 29 octobre 1981)
Tout le monde chante à la maison des Brassens. La mère est napolitaine, très catholique et le père libre-penseur, entrepreneur de maçonnerie. Le professeur de français de Georges, Alphonse Bonnafé, alias « le boxeur » l’initie à la poésie. On était des brutes, on s’est mis à aimer les poètes. Brassens n’a pas de diplôme mais il acquiert une grande culture littéraire en se rendant tous les jours à la bibliothèque municipale du quartier. Il adore la poésie, lui qui a également une passion pour CharlesTrenet et Tino Rossi, et aime Joe Dassin, Claude François, Johnny Hallyday et le jazz.
A Paris ses amis le poussent à écrire ses premiers recueils de poésies. Quand Pierre Seghers lui consacrera un volume de sa prestigieuse collection « Poètes d’aujourd’hui », il continuera à dire Je ne pense pas être un poète…Un poète, ça vole quand même un peu plus haut que moi. Il dira aussi Pour reconnaître que l’on n’est pas intelligent, il faudrait l’être.

Et si Brassens n’avait pas rencontré Patachou ? C’est elle qui l’aide à percer. Sa discographie sera constituée de 196 chansons (douze albums), dont de nombreuses reprises de poètes. Beaucoup
de ses chansons seront traduites, dans une vingtaine de langues.
En 1947 Brassens rencontre la seule femme dans sa vie « Pupchen» Joha Heiman, une estonienne avec qui il ne partagera pas le toit, et à qui il écrira entre autres La non demande en mariage, J’ai rendez-vous avec vous, Je me suis fait tout petit, Rien à jeter, Saturne. 
Derrière sa pipe et sa moustache malicieuse, Brassens symbolise l’ami que l’on aimerait avoir. Il symbolise aussi l’homme timide mais frondeur libertaire, antimilitariste, athée, qui méprise la gloire et l’argent et qui dit ce qu’il pense « en face.». Je prends les idées qui sont à tout le monde et je les traduis selon ma propre nature.
Brassens se lève à cinq heures du matin, se couche tôt, et aime composer au clavier. Durant toute sa carrière il souffre de calculs rénaux accompagnés de crises de coliques néphrétiques qui l’obligent parfois à quitter la scène et qu’il soulage en respirant de l’éther. Il subit plusieurs opérations des reins avant de mourir d’un cancer de l’intestin généralisé. Pupchen est enterrée avec lui dans le caveau familial à Sète.