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vendredi 11 décembre 2015

Techniques d'écriture : La rime



Techniques d'écriture : La rime

Un parolier n’est pas un poète.
S’il est vrai que le terme « vers » de la chanson vient du monde de la poésie, les bonnes chansons font souvent de mauvais poèmes. Un poème est un tout, il contient des paroles qui ont leur propre mélodie, serties par des mécanismes d’une extrême précision - son, sens, sensation, métrique - qu’il est presque impossible de traduire, et ce même dans sa propre langue dans le cas d’un poème en vieux français du Moyen Age. 
L’utilisation de techniques de la versification dans les deux disciplines leur donne en commun une tradition de manipulation du langage pour formuler des «images mentales» dans une lutte entre artificiel et naturel, entre besoin d'expression et contrainte technique des vers. Comme dans la poésie, les mots de la grande chanson ne servent pas principalement à transmettre des informations mais à créer une émotion.
 

Ferré et Brassens sont des champions de la chanson poétique, de par la forme de leur expression et de par la place qu’ils accordent aux textes des poètes dans leur répertoire. Ils aident à dépasser les a priori sur la poésie, art trop souvent considéré difficile, élitiste, dépassé. Le milieu du XVIe siècle a amené son lot de règles et d’interdictions que la fin du XIXe a gommées lors d’une crise de vers (Mallarmé) qui n’en finit pas.
Il est loin le temps où Malherbe refusait les rimes faciles comme père et mère. On ne pouvait pas écrire il y a en poésie, le hiatus était choquant. Les règles classiques, minutieuses, débordaient d’interdictions, d’obligations et les censeurs étaient légion. Prêts à siffler la moindre erreur, ils calculaient longueurs et coupes, commentaient rejets et contre-rejets qui disloquaient les vers, régularités, parallélismes, etc. Toute hardiesse formelle embarrassait les professionnels de la lecture de poésie et du théâtre.

Finis les impératifs de césure et de rythme. Le carcan de règles telles que la règle d’alternance rimes masculines et rimes féminines a disparu depuis longtemps. Depuis Aloysus Bertrand et son Gaspard de la nuit le poème en prose s’est banalisé et la poésie non rimée est devenu chose courante au XXe siècle.
 

A quoi rime la rime ?
Ô Qui dira les torts de la rime !… ce bijou d’un sou / Qui sonne faux et creux sous la lime. Paul Verlaine.
La rime ne fait pas la poésie, et la poésie elle même ne se mesure pas au bon respect des règles de la prosodie, ni à l’érudition en mythologie. 
Les exigences formelles de la chanson sont faibles. Beaucoup de textes de chansons actuelles ne riment pas. Comme d’habitude n’utilise pas la rime et La mer ou Les feuilles mortes ne riment que de temps en temps. Sans doute vaut il mieux pas de rime que des mots qui «sentent la rime», utilisés seulement pour sacrifier à la règle. Par ailleurs éviter une rime de temps en temps attire l’attention sur le mot non rimé et peut même ajouter une sensation de sincérité. Rimer pour rimer ne rime à rien. 
La rime est elle alors vraiment encore nécessaire aux chansons ?
Brassens, Ferré, Brel, Nougaro, Gainsbourg... La très grande majorité des grandes chansons utilise la rime: Avec le temps, La bohème, La javanaise, La vie en rose, Les copains d’abord, Ne me quitte pas... Cet écho d’un même son à la fin des vers tisse des liens entre les mots, leur procure un air de parenté en créant certain climat pour les paroles.
Outre la musicalité de sa consonance, la rime est utile, elle aide le chanteur à se souvenir de l’autre mot, celui qui finit par le même son dans un vers suivant, et ce signal de fin de ligne lui permet de lutter contre l’une de ses terreurs : le trou de mémoire sur scène. 
Pour moi, c’est en mettant en valeur la quatrième phrase que je suis certain de me rappeler toute la chanson. MC Solaar.

La rime est plus qu’une simple mécanique. Les belles rimes ont un coté enivrant. Elles sont une marque d’élégance, de savoir faire, un label de qualité. La contrainte formelle qu’elle impose épanouit plus qu’elle ne bride et s’avère souvent être un moteur pour la créativité. Chaque rime à trouver est une énigme à résoudre, chaque mot candidat à la rime amène une idée nouvelle. La rime à chaque vers vous apporte un peu de jour, et non de nuit, sur la
pensée.
Rimer devient vite une activité coutumière, presque une seconde nature, mais n’est pas souvent facile. Avec quoi rime le mot pauvre? 
Quand la rime se montre trop récalcitrante, le parolier ouvre son dictionnaire de rimes. Ce moment fastidieux offre parfois des solutions insoupçonnées, mais ne fait pas toujours des miracles. Trouvez donc des rimes en agle ou oncre ! Souvent, ’auteur cherche des rimes aux mots importants et les inscrit dans son brouillon. Parfois il élargit sa recherche à des mots étrangers, à l’argot, aux parlers régionaux.
 

La plus simple des rimes, utilisée dans de très nombreuses chansons,  est l’assonance (dite aussi rime suffisante ou rime pauvre) et consiste à répéter la même voyelle à la fin de chaque vers : rire / vite. L’assonance existait avant la « vraie » rime. Sa qualité phonétique peut constituer une fin en soi.
Au clair de la lune / mon ami Pierrot / Prête moi ta plume / pour écrire un mot. Ici des voyelles, u et o, suffisent à donner une sensation de rime, indépendamment des consonnes. Mais pour que la rime soit « normale », autrement dit suffisante, la consonne est nécessaire. Au moins deux sons doivent rimer : missel / panel. La consonne donne du rythme et la voyelle donne de la mélodie.
 

Le parolier se sent plus fier quand sa rime est riche de deux syllabes (trois sons consécutifs sont identiques) : ensemble / ressemble. Ces grands roseaux mouillés / ... Et ces maisons rouillées (La mer).
La plus longue rime de la langue française est de Marc Monnier (souvent attribuée à tort à Victor Hugo) : Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime / Galamment de l’arène à la Tour Magne à Nîmes. Dans ce « distique d’alexandrins holorimes », les deux vers se prononcent de la même façon, mais ont des sens différents.

La structure des rimes.
Lors des premières écritures de chansons il est fréquent de chercher à donner la même rime à tous les vers du couplet. Par convention, on représente une même rime par une même lettre : A, B, C, etc. 
AAAA représente des rimes continues.
Aïe, on nous fait croire / Que le bonheur c’est d’avoir / De l’avoir plein nos armoires Dérisions de nous dérisoires. Alain Souchon Foule sentimentale BMG Music 1993
 

AABB (rimes plates). Non, ce n’était pas le radeau / De la Méduse, ce bateau / Qu’on se le dise au fond des ports / Dise au fond des ports. Georges Brassens Les copains d’abord (Editions Musicales 1964.
Avec l’expérience l’on expérimente d’autres agencements qui offrent plus de possibilités et évitent la monotonie.
ABAB (rimes croisées). L’alternance est l’agencement le plus utilisé. C’est une chanson qui nous ressemble / Toi, tu m’aimais et je t’aimais / Et nous vivions tous deux ensemble / Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais » J. Prévert. Les feuilles mortes (Enoch) 1946.
 

ABBA (rimes embrassées). L’autre alternance. L’autre qu’on adorait, qu’on cherchait sous la pluie / l’autre qu’on devinait au détour d’un regard / entre les mots, entre les lignes et sous le fard / d’un serment maquillé qui s’en va faire sa nuit. Léo Ferré Avec le temps
 

ABC. Et chaque meuble se souvient / Dans cette chambre sans berceau / Des éclats des vieilles tempêtes / Plus rien ne ressemblait à rien / Tu avais perdu le goût de l’eau / Et moi celui de la conquêteJacques Brel » La chanson des vieux amants (Editions Pouchenel) 1967
 

ABAC. Et maintenant / que vais-je faire / De tout ce temps / que sera ma vie / De tous ces gens / qui m’indiffèrent / Maintenant / que tu es partie. Pierre Delanoë. Et maintenant Interprétée par Gilbert Bécaud (BMG Music) 1961.
AABCCB. Quand ils sont tout neufs / Qu’ils sortent de l’oeuf / Du cocon / Tous les jeunes blancs becs / Prennent les vieux mecs / Pour des cons. Georges Brassens Le temps ne fait rien à l’affaire (Editions 57) 1962. Le titre est inspiré par le Misanthrope de Molière.

La rime est orpheline si elle n’est pas reprise.
En chanson, les rimes internes, très musicales, ajoutent une couleur supplémentaire à la palette sonore. Dans le pont de Y’a de la joie, deux vers ne riment pas : le deuxième et quatrième. Il ne s’agit pas d’une maladresse, Trenet a préféré l’utilisation d’une rime interne, qui conserve la sensation générale de rime tout en donnant un sentiment d’accélération. Il fait du bon pain, du pain si fin que j’ai faim /… Comme un ange bleu portant ses lettres au Bon Dieu. Trenet Y a d’ la joie (Raoul Breton) 1938.
En cas de panne de rime, le savoir faire peut tirer de certains mauvais pas, en utilisant par exemple une rime à l’envers. (Pour rêve, utiliser verre). Des mots sont susceptibles de trouver leur place dans un même vers à une position différente qu’à la rime, et changer l’ordre des mots dans la phrase permet de placer à la rime un mot important : Oui, mais jamais, au grand jamais / Son trou dans l’eau n’ se refermait. G. Brassens. Les copains d’abord.
 

Certains paroliers déterminent dans leur brouillon un premier classement par rimes selon une succession calquée sur l’ordre classique des voyelles : a, e, i, o, u.  Ou selon un tri plus précis, par exemple a (bras), an (talent), eu (yeux, ardeur), è (guerre, venin), é (désolé), i (joli), o (Charlot), ou (Toutou), u (berlue, hypoténuse). Ce moment un peu fastidieux repose l’imagination et fera gagner du temps au dernier stade de l’écriture en permettant une visualisation rapide des mots candidats au remplacement d’une rime qui ferait problème. Des pointilleux poussent plus loin le procédé et séparent les mots au sens positif de ceux qui ont un sens négatif, regroupent les verbes; les sujets, les adjectifs.

Le rap et le slam savent faire la part belle à l'utilisation de la rime. Le rythme des paroles y est plus important que leur mélodie. Pour donner plus d’impact à des mots il est d’usage que certaines syllabes soient plus allongées ou plus puissantes que les autres, ou qu’elles aient une hauteur différente.
J’suis qu’une boulette me demande pas si j’aime la vie, moi j’aime la rime et j’emmerde Marine juste parce que ça fait zizir. Diams La boulette Warner Chappell Music France. 

Roé

www.roemusic.net

Peinture : Baudelaire par Nicole Bousquet

vendredi 4 septembre 2015

La vie de tous les jours




La vie de tous les jours


Tout sur terre peut être un sujet à chanter. Une noix (Trenet), Les p’tits papiers (Gainsbourg), Le chapeau de Zozo (Chevalier). La vie de tous les jours est le dernier des grands thèmes récurrents de la chanson française abordés ici, mais pas le moins important, il nous a donné des grandes chansons telles que La mer, Y'a d’ la joie, Ces gens la, Comme d’habitude, Les vieux…

Moi j’essuie les verres / Au fond du café / J’ai bien trop à faire / Pour pouvoir rêver. Claude Delécluse et Michèle Senlis. Les amants d’un jour (Paul Beuscher) 1956. Une phrase somptueuse de simplicité, écrite par un duo de choc (voir Mon vieux).


J’abandonne sur une chaise le journal du matin / Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent. Djian et Eicher Déjeuner en paix (Barclay) 1991.
Les petits détails de la vie de tous les jours sont de très efficaces vecteurs d’identification.

C’est mon anniversaire / Où sont les assiettes ? Où sont les couverts ? / Elles sentent pas un peu bizarre les praires ? Bruno Nicolini (Benabar) Bon anniversaire (Universal / Ma boutique) 2001.
La tendance de l’écriture de chansons est de nos jours de croquer un quotidien réaliste quasi anodin. Le texte, pas forcement autobiographique, s’appuie sur des émotions vécues.

Celles qui ont vu trois fois Rain Man / Celles qui ont pleuré Balavoine / Les filles de 1973 ont trente ans. Vincent Delerm Les filles de 1973 (Lili Louise Musique) 2004.
Vincent Delerm, admirateur de Souchon, fils de l’écrivain Philippe Delerm, énumère ici les filles qu’il a connues au CE2. Autre caractéristique de l’écriture actuelle, les noms propres (de personnages vivants ou de fiction), lieux, références musicales, marques, plantent un décor socio culturel où ils sont utilisés comme des repères, des symboles d’une génération.

Elle est posée sur l’étagère / Entre un bouquin d’Eric Holder / Un chandelier blanc Ikea / Et une carte postale de Maria. Vincent Delerm Fanny ardant et moi (Lili Musique N 1) 2002.

La vie de tous les jours n'est pas rose au début du siècle dernier. Dans les chansons réalistes, il n’est pas rare que les textes d’amour parlent de violence conjugale, de soumission de femmes qui boivent ou se droguent pour oublier.
Y m’ fout des coups / Y m’ prend mes sous / Je suis à bout / Mais malgré tout / Que voulez vous Albert Willemetz, Jacques Charles Mon homme (Salabert) 1920. Interprétée par Mistinguett et par Marie Dubas, la chanson sera reprise en anglais sous le titre My man. Auteur polyvalent, Willemetz a aussi écrit Valentine, Dans la vie ne faut pas s’en faire.

Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile / Etre une femme libérée tu sais c’est pas si facile. Joëlle Kopf. Femme libérée (PEM/ Charles Talar) 1984 interprétée par Cookie Dingler. Les chansons des années 80 constatent les avancées de la condition féminine dans la société.

Le travail

Le rythme des paroles suivait autrefois le rythme du travail, on chantait pour se donner du coeur à l’ouvrage. Les travaux forcés des esclaves ont donné naissance au gospel, au blues et puis au jazz.

Que chantaient les femmes au lavoir ? Que sifflotaient les peintres en bâtiment ?

J’fais des trous, des p’ tits trous, encor des p’ tits trous. Serge Gainsbourg. Le poinçonneur des Lilas (Warner Chappell / Melody Nelson Publishing) 1958. Sans Gainsbourg qui connaîtrait aujourd’hui ce métier disparu ?

C’est un fameux trois-mâts fin comme un oiseau / Hissez haut Santiano / Dix-huit noeuds quatre cents tonneaux / Je suis fier d’y être matelot. Jacques Plante Santiano (Daniela Music / Warner Chappell) 1961 interprétée par Hugues Auffray.
La chanson de marins a toujours fait preuve d’une belle vitalité. Il en va de même pour la chanson de soldats (Mon légionnaire) ainsi que pour la chanson sur le plus vieux métier du monde, qui a de nombreux et ardents défenseurs :
A la bastille / On l’aime bien Nini peau d’ chien / Elle est si belle et si gentille. Aristide Bruant Nini peau d’ chien (Salabert) 1905.

Passionnément, nous y pensions / A la p... points de suspension / Qu’elle était bien, qu’elle était bien la putain. Jean Loup Dabadie (Polydor) La putain. 1971 interprétée par Serge Reggiani. La musique est de Michel Legrand. Reggiani a commencé son métier de chanteur par un premier disque à l’âge de... 43 ans. Il y a aussi  Julie la rousse, La complainte des filles de joie, entre autres.

Le métier d’artiste inspire l’artiste : Je m’ voyais déjà, Quelque chose de Tennessee, Armstrong, Comme une Piaf, Cézanne peint, La vie d’artiste…

J’aurais voulu être un chanteur / Pour pouvoir crier qui je suis / J’aurais voulu être un auteur / Pour pouvoir inventer ma vie. Luc Plamondon Le blues du businessman (Colline/ Moncton) 1978 (Starmania).

Et partout dans la rue / J’veux qu’on parle de moi / Que les filles soient nues / Qu’elles se jettent sur moi. Daniel Balavoine Le chanteur (Warner Chappell) 1978

Les personnages

Regardez, écoutez la vie de tous les jours autour de vous. Les voisins, la famille, la télé, la rubrique des faits divers, sont une mine d’or d’histoires, le monde regorge de personnages de chanson.

Les grands auteurs savent se glisser dans la peau des autres, vivre leurs émotions et les noter tout simplement. Chacun écrit sa comédie humaine. Pour exemple, quelques personnages de Gainsbourg : Elisa, Marylou, Mélodie Nelson, L’homme à la tête de chou, Le poinçonneur des Lilas, Johnny Jane, Bonnie and Clyde, Dr Jekyll et Mr Hyde, Charlie Brown. 

C’est un nom maintenant oublié / Une pauvre silhouette qui penche / Appuyée sur une canne blanche. Jean Guigo Battling Joe (Louis Gasté Editions) 1945. Interprétée par Yves Montand, l’histoire d’un boxeur qui devient aveugle.

Venez, que l’on m’acclame / J’ai fait mon numéro / Tout en jetant ma femme / Du haut du chapiteau. Henri Contet Bravo pour le clown (SEMI) 1953 interprétée par Edith Piaf.

Le public a un faible pour les histoires de voleurs, qu’ils soient réels ou personnages de fiction : Gentleman cambrioleur, Stances à un cambrioleur, Les Dalton’s, Bonnie and Clyde, la bande à Bonnot.

J’ai pas tué j’ai pas volé / Mais j’ai pas cru ma mère.
Maurice Druon Le galérien (Editions Ricordi) 1942, interprétée par Montand. Ce succès est un des rares exemples de chanson qui comporte une leçon de morale.


La chanson pour enfants

Qui a vendu 17 millions de disques, enregistré un duo avec Jerry Lee Lewis et rempli 50 fois Bercy entre 1990 et 1996 ? ...

Dorothée.
Le marché de la chanson enfantine est colossal. Il continue pourtant à être boudé par la très grande majorité des auteurs.

Une chanson douce / Que me chantait ma maman / En suçant mon pouce / J’écoutais en m’endormant. H Salvador et Maurice Pon Le loup la biche et le chevalier 1950, interprétée par Henri Salvador. Cette berceuse sur le thème de « l’ex - bercé - qui - berce » est indémodable.

Nombre de nos plus anciennes chansons ont évolué au fil du temps jusqu’à la reconnaissance suprême de la nation : être enseignées à nos bambins. D’anciens chants de soldat comme Auprès de ma blonde, hymne de l’armée de Louis XIV en Vendée, sont maintenant appris à l’école primaire, lieu fondamental de transmission de notre patrimoine et de découverte de la plupart des chansons enfantines. Les scènes animalières y sont incontournables. Une poule sur un mur, Une souris verte.
Dans le chapitre sur le sexe, nous avons constaté que, selon les psychanalystes, les comptines enfantines comportent de nombreux sous-entendus sexuels.
Le thème de la chanson pour enfants nécessiterait un livre entier.


Les chansons de circonstance

Joyeux anniversaire, Ce n’est qu’un au revoir, sont liées à des moments de notre vie quotidienne, leurs circonstances sont à la fois particulières et universelles et l'universalité, en chanson, est souvent synonyme de rentabilité. Les bénéfices générés chaque année par Petit papa Noël ont de quoi faire rêver, plus de 25 millions d’exemplaires vendus…


Les mariages offrent des occasions appréciées de craqueler le vernis social, l’alcool libère les convives qui entonnent à plusieurs et à tue tête les chansons à boire, voire paillardes, les farandoles et autres Danse des canards.

Aucune chanson ne s’est encore imposée pour la fête des mères. Aux plumes, citoyens!


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dimanche 26 juillet 2015

Le chagrin, sujet numéro un.



Le chagrin 

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. Alfred de Musset semble être d’accord avec les grands paroliers. L’amour malheureux inspire plus que l’amour heureux. Le désamour est le sujet numéro un de la chanson française

Plaisir d’amour ne dure qu’un moment / Chagrin d’amour dure toute la vie. Jean Pierre Claris de Florian Plaisir d’amour 1760. D’abord poème dans une nouvelle La Célestine de JP Claris de Florian, après que Martini ait écrit sa mélodie en 1784, la chanson connaît un tel succès qu’elle est chantée jusqu’à la cour de Russie. Berlioz en fait un arrangement pour orchestre en 1859. Elle est reprise au siècle dernier par Elvis Presley et Stephan Eicher.

Noir c’est noir / Il n’y a plus d’espoir / Oui gris c’est gris / Et c’est fini, oh, oh, oh, oh / Ça me rend fou, j’ai cru à ton amour / Et je perds tout. Adapt. Georges Aber Noir c’est noir (Mellin Robert LTD) 1965. Une chanson presque autobiographique pour Johnny Halliday en pleine dépression dont la tentative de suicide s’étale à la une des journaux.

Tu m’as privé de tous mes chants / Tu m’as vidé de tous mes mots / Et j’ai le cœur complètement malade / Cerné de barricades. Serge Lama Je suis malade (Editions Serge Lama) 1974.

Laisse-moi devenir / L’ombre de ton ombre / L’ombre de ta main / L’ombre de ton chien Mais ne me quitte pas. Jacques Brel Ne me quitte pas (Warner Chapell) 1959.  Nous parlerons en détail de ce  texte devenu un classique dans le chapitre la preuve par neuf chansons.

Un jour l’amour l’a quittée, s’en est allé / Faire un tour de l’autre côté / D’une ville où y avait pas de place pour se garer. Gérard Manset Il voyage en solitaire (Pathé Véranda) 1975. Le trop rare Manset a aussi composé Chimène pour René Joly. 


Les histoires d’amour finissent mal en général. Catherine Ringer Les histoires d’A. 1986 (Les Rita Mitsouko).

Je joue les rouges, cœur, Caro... / Je suis l’as de trèfle qui pique ton cœur. M’ Barali Caroline (BMG Music) 1993 (MC Solaar).

Voilà, c’est fini / Nos deux mains se desserrent de s’être trop serrées / La foule nous emporte chacun de nôtre côté. Jean Louis Aubert. Voilà, c’est fini (La loupe) 1989.

J’irai chercher ton âme dans les froids, dans les flammes / Je te jetterai des sorts pour que tu m’aimes encore. J.J. Goldman Pour que tu m’aimes encore (Editions JRG/CRB) 1995.

Je crois que je ne t’aime plus / Elle a jeté ça hier / Entre le fromage et le dessert / Comme mon cadavre à la mer. Caliciuri Elle m’a dit (les éditions de Mireille) Cali 2003.

La solitude.
Partout, elle me fait escorte / Et elle me suit, pas à pas. Barbara La solitude (Editions Métropolitaines) 1965.

Oui mais moi, je vais seule / Car personne ne m’aime. Françoise Hardy Tous les garçons et les filles (Editions Alpha) 1962. La simplicité même, imparable. 

Aussi loin que l’on s’abandonne / Ni l’un ni l’autre ne se donne / On se reprend avec l’aurore. Sophie Makhno Ta cigarette après l’amour (EMI) 1972 interprétée par Charles Dumont.

Le nombre de chansons qui s'appellent Solitude est incalculable. Entre autres La solitude de Ferré, de Moustaki, La solitude ça n’existe pas de Bécaud, Ultra moderne solitude de Souchon.

La famille. 
A méditer : les chansons sur la famille sont rarement joyeuses et parlent beaucoup d’absence. Cette caractéristique est elle vraiment spécifique à la vie d’artiste ?

Les enfants.
On pourrait dans les premiers temps / Donner la gosse à tes parents / Le temps de faire le nécessaire. Michel Delpech et Jean Michel Rivat. Les divorcés (Warner Chappell) 1973. Précurseur du thème monoparental, Rivat a écrit ce texte en connaissance de cause, après une séparation.

En regardant tout au bout du chemin / Prendre un enfant pour le sien. Yves Duteil Prendre un enfant par la main (Editions de l’Ecritoire) 1977. Une des chansons préférées des français.

L’absence a des torts / Que rien ne défend / C’est mon enfant. Daniel Balavoine Mon fils ma bataille (Warner Chappell) 1980.

Les parents.
C’est aujourd’hui dimanche, tiens ma jolie maman / Voici des roses blanches, toi qui les aimais tant / Et quand tu t’en iras, au grand jardin là-bas / Toutes ces roses blanches, tu les emporteras. Ch. L Pothier Les roses blanches (Les nouvelles éditions Meridian) 1926 interprétée par Berthe Sylva. Aujourd’hui classée mélo, cette chanson qui fit mouiller plus d’un mouchoir fut la première chanson lancée sur les ondes à partir de la tour Eiffel.

Je l’ai couché dessous les roses / Mon père mon père / Il pleut sur Nantes / Et je me souviens. Barbara Nantes (Editions Métropolitaines) 1964.
Lundi 21 décembre 1959, Il pleut sur Nantes et sur la Rue de la Grange au loup pour l’enterrement d’un père que Barbara a haï : L’aigle noir. Très autobiographique, la chanson est emplie d’émotion. Barbara mettra 4 ans à la finir avant de la chanter pour la première fois sur scène le 4 novembre 1963.

J’ai jamais su trouver les gestes / Qui pouvaient soigner tes blessures / Guider tes pas vers le futur. Eric Chemouny Sang pour sang 1999 (Laura eyes/ Sylviesongs) interprétée par Johnny Hallyday 1999. La musique est de David pour son père Johnny, les mots semblent vrais, le public aime.

Les frères et sœurs.
N’as tu vécu pour nous autrefois / Que sans jamais penser à toi ? / Non, non, non, ne rougis pas, non, ne rougis pas. Vline Buggy et Hugues Auffray Céline (Warner Chappell) 1966. Sur une musique de Mort Shuman, les paroles inspirées par la cousine de Vline Buggy ont été refusées par Claude François et France Gall. 

Toi le frère que je n’ai jamais eu / Sais-tu si tu avais vécu / Ce que nous aurions fait ensemble. Maxime Le Forestier Mon frère (Chappell) 1971. Une vision originale de la fraternité.

Le temps.
C’était mieux avant» Qui n’a jamais entendu ces mots ? Les peurs du monde actuel trouvent souvent pour écho la nostalgie.
La maison près des HLM / A fait place à l’usine et au supermarché. Nino Ferrer La maison près de la fontaine (Paul Beuscher) 1972. Nino Ferrari dit Ferrer, s’est suicidé en août 1998. 

Un vieux pleure dans un coin / Son cinéma est fermé, / C’était sa dernière séquence. Claude Moine alias Eddy Mitchell La dernière séance (Universal) 1977. Le cinéma de quartier, comme la maison de Nino Ferrer Finira en garage, en building supermarché. 

Où est il donc mon moulin d’ la place Blanche ? / Mon tabac et mon bistro du coin ? Decaye et Carol Où est il donc (Editions Fortin) 1925 interprétée par Fréhel.

J’aime les regretteurs d’hier / Qui trouvent que tout ce qu’on gagne, on le perd. Alain Souchon La beauté d’Ava Gardner (BMG) 1988. La nostalgie est un thème majeur de Souchon : J’ai 10 ans, Allo maman bobo, Bidon, etc.

« Avec le temps on n’aime plus » Léo Ferré Avec le temps (Nouvelles édition Meridian/ La mémoire et la mer) Octobre 1970. Terrible conclusion de chanson que ce vers. Nous reparlerons en détail plus avant de ce monument du répertoire français, dans le chapitre la preuve par neuf chansons.

La mort. 
Ne chantez pas la mort, c'est un sujet morbide / le mot seul jette un froid, aussitôt qu'il est dit / les gens du "show-business" vous prédiront le "bide" / c’est un sujet tabou... pour poète maudit. Jean Roger Caussimon  Ne chantez pas la mort 1972.
La musique est  écrite par Léo Ferré, immédiatement, le soir même où il reçoit le texte.  Les deux amis ont signé ensemble une vingtaine de titres mais Caussimon a également écrit pour lui même et pour Catherine Sauvage, Mouloudji, Isabelle Aubret, Julien Clerc, Nougaro, Les Frères Jacques, "Mes chansons, c'est ma solitude et mon irréalisable besoin d'amour que je donne à tous. Il n'y a pas un mot, pas un vers qui n'ait sa raison d'être profonde et douloureuse. »

Mais c’est la mort qui t’a assassinée, Marcia / C’est la mort qui t’a consumée, Marcia / C’est le cancer que tu as pris sous ton bras / Maintenant, tu es en cendres, cendres. Catherine Ringer Marcia baila (Dilate Music) 1984 les Rita Mitsouko. Ou comment chanter des sujets graves sur un rythme dansant. Marcia Moretto, chorégraphe argentine avec qui a travaillé avec succès Catherine Ringer, est morte « d’une longue maladie ». La chanson doit aussi son succès au soutien sans faille de Philippe Constantin chez Barclay contre Virgin Londres.

Ni vu ni connu, brave mort adieu ! / Si du fond d’ la terre on voit l’Bon Dieu / Dis-lui l’ mal que m’a coûté / La dernière pelletée / J’suis un pauvre fossoyeur. Brassens Le fossoyeur (Intersong) 1952. Une des chansons préférées de Brassens.

La pendule au salon / Qui dit oui qui dit non / Qui dit je vous attends. Jacques Brel Les vieux (Editions Pouchenel) 1963.

Je veux qu’on rie / Je veux qu’on danse / Quand c’est qu’on me mettra dans le trou. Jacques Brel Le moribond (Warner Chappell) 1961. L'écriture de ce titre a été difficile. « J’ai promené le moribond un an, ajoutant ou enlevant des personnages ». La ténacité a payé, longtemps cette chanson a été la préférée de Brel.
Veux tu que je dise / Gémir n’est pas de mise / Aux Marquises. Jacques Brel Les Marquises (Editions Pouchenel) 1977. 16 ans et un cancer au poumon séparent les deux textes. Jacques Brel est mort en octobre 1978. 

J’aime la majesté des souffrances humaines disait Alfred de Vigny. La douleur est une des choses au monde les plus partagées, sans doute est-ce pour cela que nous nous identifions tant aux mots des grands auteurs, qui savent exprimer les émotions à notre place. Ils parlent de nous quand ils parlent d’eux. 
Les chansons tristes n'ont pas de fin. 

vendredi 17 juillet 2015

Le lieu, sujet de chanson, sujet d'identité




Le lieu est un sujet de chanson récurrent, populaire, qui est souvent le personnage central des chansons plus qu'un décor et qui ne date pas d’aujourd’hui. Sur le pont d’Avignon (anonyme) aurait été écrite au XVe siècle.
Tels les hommes qui les créent, leurs refrains peuvent naître n'importe où, sous toutes les latitudes.

Au nord, c’ étaient les corons / La terre c’ était le charbon. J.P. Lang Les corons (BMG et Radio Music) 1982 interprété par Pierre Bachelet.

On dirait le Sud / Le temps dure longtemps. Nino Ferrer Le sud (Paul Beuscher) 1973.

Paris
Paris c’est moi, c’est vous. Les Français s’identifient à leur capitale, symbole de la France.

Paname on t’a chanté sur tous les tons / Y a plein de paroles dans tes chansons / Qui parlent de qui, de quoi, de quoi donc. Léo Ferré Paname (Ed ; l’auteur) 1961. 

Charles Trenet a également été inspiré par la capitale et lui a dédié une quinzaine de pièces. Quel artiste n’a pas sa chanson sur la ville lumière ?
A Paris, ça balance pas mal à Paris, il est 5 H, sous le ciel de Paris, sous les ponts de Paris, Paris mai, Paris latino, Paris canaille, Paris en colère, Paris brûle t-il ? Un gamin de Paris, les petites femmes de Paris, la parisienne, une fleur de Paris, la romance de Paris, Paris je t’aime, Paris je ne t’aime plus, Paris tu m’as pris dans tes bras, j’ai deux amours, ça c’est Paris, Paris sera toujours Paris.

Les rues de Paris
Rue de Lappe rue de Lappe / Au temps joyeux / Ou les frappes où les frappes / Étaient chez eux. Francis Lemarque
Rue de Lappe (SEMI) 1950. Né dans cette même rue de Lappe, Lemarque est l’un des plus prolifiques auteurs sur Paris. Sa plus célèbre chanson reste A Paris, à laquelle pourtant Montand, son interprète de prédilection, n’a d’abord pas cru en 1948, la jugeant trop compliquée pour le public.

Les quartiers de Paris.
Il n’y a plus d’après (à St Germain des près), Aux Champs Elysées, A la Bastille, Les grands boulevards, Pigalle.

La banlieue.
J’ voudrais faire un slam pour celle qui voit ma vieille canne du lundi au samedi / J’ voudrais faire un slam pour une vieille femme dans laquelle j’ai grandi. Grand corps malade St Denis (Djanik) 2006.

Autres villes.
En ce qui concerne la chanson française, la décentralisation est loin d’être une réalité. Bien que leur liste soit longue, peu de villes de province ou d'ailleurs ont des chansons à leur gloire,  : Le clair de lune à Maubeuge, Que c’est triste Venise, Belle île en mer, Capri, c’est fini, Mexico, etc.

Nougaro, l’homme qui a écrit l’hymne Toulouse en 1967, a aussi chanté Paris (Paris mai), New York (Nougayork), Nice
(Very Nice).


Marseille, bien sûr a eu son lot d’odes. 
On connaît dans chaque hémisphère / Notre Cane, Cane, Cane, Canebière. Allibert/Vinci Cane... Cane... Canebière (Salabert) 1935. Musique de l’incontournable Scotto.

C’est de là que je viens, là où je naquis / Et dans quelques années / c’est ici que se terminera ma vie. Fragione Planète Mars (EMI etnCôté obscur) IAM 1991.

Brel a chanté Le plat pays, Amsterdam (Il disait ne pas aimer cette chanson, « trop facile »), Bruxelles, Knokke-le-Zoute, Vesoul, Les Marquises, etc.…

Le voyage.
Le lieu est pour les uns symbole d’identification et généralement de fierté, pour les autres il est porteur d’un exotisme symbole de besoin de vacances, de nouveauté, de liberté.
Rêver d’être ailleurs qu’ici / Être ailleurs / Vivre simplement de pêche. Alain Souchon Le rêve du pécheur 1993 par Laurent Voulzy.

Le thème de la route est une voie royale vers l’imaginaire : Sur la route, Chacun sa route, Passer ma route, Route nationale 7, La route enchantée, Sur la route de Memphis, Voyage voyage, Le chemin.

L’Amérique.
L’Amérique à la fois fascine et horripile. 
Tout chiper tout mater tout tuer tout brûler / C’est là le refrain de tout américain. Jean Meudrot et Pol-Heric La polka des yankees 1898.

L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai / L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je le saurai. Adapt. Pierre Delanoë L’Amérique (Nota Bene Music) 1970. Interprétée par Joe Dassin, né à New York et mort à Tahiti d’un infarctus le 20 août 1980. Son père, le cinéaste Jules Dassin, s’était installé à Paris en 1950 pour fuir les persécutions maccarthystes.
Et aussi : I love America, L’Américano, San Francisco, Nashville ou Belleville.

J’aimerais tant voir Syracuse / L’île de Pâques et Kairouan. Bernard Dimey Syracuse (Première Music Group) 1962 interprétée par Henri Salvador.
Je voudrais du Fred Astaire / Revoir un Latécoère. Biolay/ Zeidel Jardin d’hiver (Dièse productions/Alt musique) 2000 interprétée par Henri Salvador. Biolay et Keren Ann prolongent le voyage à Syracuse.

Biguine, mambo, tango etc. Légèreté, sourires, rythmes lascifs, danseurs et danseuses de rêve, la sensualité a son importance dans le fantasme de l’ailleurs, de contrées en réalité souvent dévastées par la misère et la dictature politique.
Qui c’est celui là. La version originale brésilienne de Chico Buarque est un texte rageur, révolutionnaire, qui devient chez Vassiliu un texte léger, dont le succès est dû à Barclay qui le sauve de la face B.

Le plus beau de tous les tangos du monde... En réalité, le tango, il vient de là, il vient de Gardel. Le tango était très en vogue avant la guerre et en 1931 et Carlos Gardel, le toulousain devenu dieu vivant en Argentine, vendait en France 3000 disques par jour. 
Tango, jazz, musique caraïbe, ont influencé la chanson des années folles, bien avant le métissage musical des années 1990 et l’explosion des musiques du monde.

L’identité.

Au bout du voyage de l’émigré, le pays d’origine représente le paradis perdu.
Depuis que je suis loin de toi / Je suis comme loin de moi / Et je pense à toi la bas. Jean Loup Dabadie Lettre à France (EMI/ Oxygen) 1977. Interprétée par Michel Polnareff. 

Le lieu de naissance peut être un sujet délicat.
Elle ne demande / Quand nous mangeons tous les deux / Qu’une banane c’est peu coûteux / Moi j’y en donne autant qu’elle veut. Villard et dilate La petite tonkinoise (Salabert) 1906.
La finesse ne caractérise pas l’écriture de certains grands succès du début du XXe siècle. La France d’alors, forte de son statut de grande puissance arbore dans les textes de ses chansons le petit air supérieur paternaliste de celui qui croit amener la civilisation. C’est le début de la conquête de l’Algérie, l’époque de Travadjar la moukère.
La chanson coloniale a parfois un air raciste, même chez des gauchistes comme Aristide Bruand qui a écrit le peu glorieux La noire et s’est présenté comme député à Belleville sous l’étiquette « républicain socialiste patriote et antisémite ».
Georges Montehus, chansonnier engagé pacifiste d’extrême gauche qui pourtant a signé la butte rouge, a écrit le regrettable Pan pan l’arbi. (Marche des l’Arbis) sur l’air de la Marche des zouaves.
Autres temps autres moeurs.
Heureusement, depuis lors, les choses ont bien changé.
Et tant pis pour ceux qui s’étonnent / Et que les autres me pardonnent / Mais les enfants ce sont les mêmes / A Paris ou à Göttingen. Barbara Göttingen (Editions Métropolitaines) 1965.
Barbara a été une des premières voix à prôner la réconciliation franco allemande.

Je te donne toutes mes différences / Tous ces défauts qui sont autant de chances. J.J. Goldman/ Michael Jones Je te donne (Goldman) 1985.

Le soleil donne / La même couleur aux gens / Gentiment. Alain Souchon Le soleil donne (Voulzy) 1988.

De n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur / La musique est un cri qui vient de l’intérieur. Bernard Lavilliers Noir et blanc (Big Brother) 1986.

Une forte représentation d’artistes français nés à l’étranger nous vient d’Egypte : Georges Guétary, Dalida (Ex miss Egypte), Richard Anthony, Claude François, Guy Béart, Georges Moustaki, Mathieu Chédid (par sa grand-mère la poétesse Andrée Chédid)

Un souffle italien anime la chanson française : Yves Montand (Ivo Livi), Léo Ferré, Georges Brassens, Christophe (Bevilacqua), Dalida (d'origine italo egyptienne), Edith Piaf, Serge Reggiani, Adamo, Nino Ferrer, Antoine, Frédéric François, Claude Nougaro, Francis Cabrel, Sanseverino, Benabar, etc.

Couleur café, Je voudrais être noir, Amstrong, Le métèque, L’Aziza…
La France s’est toujours montrée à l’écoute des autres cultures, elle est la championne de la « World Music », musiques du monde auxquelles son marché discographique et ses festivals font la part belle. L’hexagone est, et a été, un lieu de passage incontournable pour les artistes du monde entier.
« Il est bon d’être imprégné d’une musique mondiale - on en serait toujours à la valse sinon - mais notre personnalité française reste présente dans l’importance accordée au texte ». Charles Aznavour.